Le parloir by Eric Sanvoisin

Le parloir by Eric Sanvoisin

Auteur:Eric Sanvoisin [Sanvoisin, Eric]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: GRÜND
Publié: 2012-03-03T23:00:00+00:00


22

Maison d’arrêt

Samedi 29 novembre,

11 h

— 7 216, cabine 2 !

Yan est soulagé de ne pas se trouver nez à nez avec sa mère. Le surveillant, sans doute pour se venger de son insubordination précédente, n’a pas voulu lui révéler l’identité de son parloir.

La veille, Yan a appris de la bouche d’Abou qu’il avait la possibilité de décliner une visite. On ne pouvait l’obliger à rencontrer une personne qu’il ne souhaitait pas voir, y compris son avocat. Il n’y a que les convocations du juge auxquelles il ne peut se soustraire.

Alors, ce matin, Yan a beaucoup cogité. Ira ? Ira pas ? Et puis finalement…

— Bonjour, petit frère.

Sa sœur est magnifique, comme toujours. S’il n’avait pas été son frère, il serait tombé amoureux d’elle.

Elle le serre contre elle. Il s’abandonne.

— Ce que tu me manques, petit frère ! Cet enfermement est terrible. Je souffre pour toi.

Yan s’accroche à sa sœur. Il aimerait tellement lui parler, lui dire combien il l’aime, combien il attend ces moments qui dissipent la grisaille de sa vie. Sa langue le brûle. Ses lèvres sont comme des fossiles et ne lui servent plus à rien. Il les écarte avec les doigts et essaie de prononcer le prénom de sa sœur. En vain. Il ne réussit qu’à éructer un borborygme ridicule.

De rage, il frappe le comptoir et se fait rappeler à l’ordre par le surveillant.

— Là, calme-toi, lui murmure Laure. Ce n’est rien. Patience, patience. Un jour, les mots reviendront.

Yan en doute. Il est complètement bloqué.

— Mercredi dernier, j’ai réussi à avoir ton avocat au téléphone. Il m’a fait plutôt bonne impression. Il n’est pas résigné comme je le craignais. Bien sûr, ton silence le gêne et, sans ton concours, il peut difficilement prouver ton innocence. Mais il veut se battre pour que tu passes le moins de temps possible en prison. Moi, je sais que tu n’es pas coupable de l’acte horrible dont on t’accuse, mais voilà… Je suis ta sœur, aucun juge ne m’écoutera.

Yan voudrait la détromper. Il a fait ce qu’il a fait. Inutile de revenir là-dessus. Néanmoins, les paroles de Laure lui font un bien incroyable.

— Et puis je n’ai pas de preuve. Tu as avoué un crime. Tout est contre toi, petit frère. Il faudrait un miracle. Je sais que tu n’as jamais cru en Dieu. Moi, si. Je vais prier pour toi.

Yan secoue la tête d’une manière désordonnée. Il ne veut pas. Prier ne sert à rien. Il n’a personne là-haut…

— J’ai dit à ton avocat le peu que tu m’as raconté sur le père de Déborah. Que c’était un homme grégaire, instable, violent. Que sa fille avait peur de lui. Et que, toi aussi, tu le craignais.

Yan détourne le visage brusquement. Par accident, son front vient heurter le mur. Inquiète, Laure se penche pour essayer de capter son regard. Elle a tellement peur qu’il se fasse du mal. Il est son propre ennemi, le plus coriace de tous. Depuis les événements tragiques, elle sent chez lui une violence qu’elle ne lui connaissait pas auparavant.



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